Marie Depussé

Dans Télé qui rame de la semaine prochaine, un bel article sur Marie Depussé, auteur de Les morts ne savent rien et surtout ancien professeur de Bamalega. C’est pour moi une occasion en or que je m’empresse de saisir au vol, depuis le temps que je voulais lui dire tout ce que j’avais à lui dire, toutes ces années à y penser.

Quand je la voyais arriver dans le couloir bourdonnant d’étudiants, elle avait déjà l’air harassé d’une longue journée, cela dit en passant il fallait « en vouloir » pour faire ses études ou travailler là-bas avec l’amiante et la déco lugubre qui vous plombait le moral dés le premier étage. Je me rappelle que quelqu’un avait tagué une partie du mur de l’escalier, une peinture superbe pleine de couleurs et surtout pleine de vie, la fresque a fini sous une couche uniforme beige enfouissant le peu de dynamisme présent dans l’établissement. Je comprenais donc que mon professeur préféré semblait fatigué avant d’avoir commencé sa journée.

 On la voyait de loin, dépassant d’une tête la plupart et puis et surtout c’est qu’elle avait l’air d’une reine, elle en avait la tête, les cheveux, le port, les vêtements, elle avait même un ministre qui la suivait partout où elle allait (je précise que c’était un chien éminemment sympathique et d’un flegme tout ce qu’il y avait de britannique). D’ailleurs cet air las la quittait dés qu’elle se mettait à faire cours. Elle baissait la tête prenait son souffle et c’était parti. J’étais sûre que je n’allais pas m’ennuyer, j’étais sûre que je n’allais pas perdre mon temps. Parfois, elle semblait nous découvrir, là soudainement et s’étonnait de nous voir la bouche ouverte et les yeux ronds comme des poissons dans un bocal, c’était son expression. Mais sachez, Madame, que c’était d’admiration. On surfait sur ses phrases, et ses vagues nous portaient longtemps.

J’avais une dizaine d’années de plus que les étudiants présents dans la classe. Et pour cette raison et tant d’autres encore, j’étais pétrifiée quand j’entrais dans cette université tant et si bien que j’en restais, parfois, coincée sur ses trois marches d’entrée. Je ne comprenais rien sauf les mots que vous prononciez, j’échouais avant d’avoir commencé et pourtant vous n’avez jamais eu un mot désobligeant concernant mon travail. J’ai pu ainsi continuer et acquérir une assurance qui m’avait fait défaut. Et surtout, grâce à vous j’ai rencontré et aimé Proust, et ça, jamais je ne vous en remercierai assez.

Lecture et discussion avec Marie Depussé à 17h samedi 13 mai 2006 à la librairie du cinéma MK2 bibliothèque Paris 13

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